« En 2077, une partie de l’espèce humaine habite sur Mars, tandis que l’autre continue de vivre, de façon de plus en plus précaire, sur la planète Terre. Un père et sa fille, séparés par plus de 225 millions de kilomètres, tentent de maintenir une relation à très très très longue distance. »
- Résumé Édition Les Solitaires Intempestifs
Texte et mise en scène : Tiago Rodrigues
Traduction : Thomas Resendes
Avec : Alison Deschamps et Adama Diop
Scénographie : Fernando Ribeiro
Lumière : Rui Monteiro
Musique : Pedro Costa
Costumes : José Antonio Tenente
Collaboration artistique : Sophie Bricaire
Production : Festival d’Avignon
Durée : 1h45
© Christophe Raynaud De Lage – Festival d’Avignon
05/11/2025 - La Comédie de Clermont
"Début de message"
Où sommes-nous ? Dans un désert ? Un espace mental ? Un ailleurs lointain ? Ou peut-être encore un mélange de tout ça... Le décor de La Distance, nouveau spectacle de Tiago Rodrigues, directeur du Festival d’Avignon, happe le regard pendant l’installation du public. Un plateau rotatif entouré de noir ; un tronc d’arbre et des branches qui s’entremêlent ; un sol qui rappelle le sable, un rocher orangé. Une bulle, hors du temps et de l’espace. Le récit que s’apprêtent à nous délivrer les personnages nous le confirme.
Quelle douceur, quelle tendresse, quelle humanité que les mots de Tiago Rodrigues ! Il vient chercher par sa poésie ce qui nous est le plus intime, le plus commun, le plus simple aussi, car quoi de plus simple qu’une discussion entre un père et sa fille ? Leur dialogue est constant, au coeur de tout – écriture, mise en scène, scénographie – à la fois réfléchi et spontané, maladroit et sincère, essentiel et éphémère. On sent chez les deux personnages – interprété.es par Adama Diop et Alison Deschamps – une volonté tendre de se parler enfin, de se parler vraiment, de se dire tout ce qui n’a pas pu être dit. Comme si la distance comblait enfin le vide qui avait pu les séparer.
Le texte est construit sous forme de grandes tirades qui se répondent, dans une grande intimité familiale tout comme dans sa dimension intergénérationnelle. Le père et la fille racontent avec elleux deux visions du monde, et plus précisément deux visions pour un autre monde, un monde meilleur. Au fur et à mesure des messages se dessinent les contours de ce qui reste de la Terre dans cet avenir pas si lointain. La dystopie imaginée par Tiago Rodrigues implique des interrogations philosophiques, auxquelles s’efforcent de répondre les personnages. L’humanité, qui paie les conséquences des désastres écologiques, est face à un dilemme : faut-il reconstruire ici, ou tout recommencer ailleurs ? Et comment recommence-t-on ? Quelle est la place de la mémoire dans ce nouveau monde ? Le choix n’est pas si simple, et l’on sort du spectacle sans vraiment savoir quelle décision est la bonne.
Et tout au long du spectacle, le plateau tourne et le temps passe. La scénographie, nourrie d’un imaginaire apocalyptique évident, met les personnages dos à dos, ou face à face ; c’est un endroit à mi-chemin entre la Terre et Mars, entre le père et la fille, un espace à la fois commun et séparé où iels se rencontrent, se croisent, se font écho et miroir. C’est une matérialisation concrète de la « distance » qui les sépare, et qui, paradoxalement, les rapproche.
La Distance est un récit bouleversant, intime et collectif, aux réflexions écologiques, philosophiques, humaines et familiales profondes. C’est un double portrait, porté par un duo d’acteurices très touchant. C’est l’histoire d’un deuil aux nombreuses significations. En somme, Tiago Rodrigues nous offre un formidable moment de théâtre, sur la famille, sur l’humain et son rapport au monde, sur le temps qui passe.
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