"Les Deux Déesses se présente comme une réécriture contemporaine, théâtrale et musicale du mythe de Déméter et Perséphone, faisant apparaître des problématiques actuelles de la société. Ce couple de mère et fille qui a su tenir tête aux Dieux et se retrouver envers et contre tout. Ainsi sont nées les saisons, dit-on."
De l'autrice, comédienne et metteuse en scène Pauline Sales
Date de parution : 24 octobre 2024
Aux Editions Les Solitaires Intempestifs, Collection Bleue
15€
La pièce a été créée les 5 et 6 novembre 2024 à Les Quinconces L’espal – Scène nationale du Mans
Durée : 1h50 | À partir de 15 ans - Tournée 2024/2025 en cours

Une terrible histoire de famille
Je l’avoue : j’ai une véritable passion pour les réécritures mythologiques. “Clytemnestre”, “Les Larmes de Clytemnestre”, “Le Chant d’Achille”, “Hélène après la chute”... Il y a quelque chose d’à la fois enfantin et passionnant de se replonger dans des histoires connues de toustes, avec un recul nouveau et nos perspectives actuelles. L’essence même du mythe : raconter une histoire, épique qui plus est, et nous donner un regard sur le monde. Quel est donc l’état de ce monde, vu à travers les yeux de Déméter et Perséphone ? D’une mère et de sa fille ?
Car en effet, il s’agit d’abord de l’histoire d’une mère et de sa fille ; de la relation qu’elles tissent, entretiennent, abîment ; de leur individualité propre et leur place au sein d’un duo fusionnel. En somme, c’est l’histoire que vivent beaucoup de mères et beaucoup de filles. Comment l’une se façonne par rapport à l’autre, comment la première existe peu à peu à travers la seconde, comment elles s’aiment fort et se ressemblent avant de se déchirer et de se dissocier. Avant d’évoquer toute la violence de la séparation entre Déméter et Koré, on peut prendre le temps d’y voir un passage à l’âge adulte – ici forcée – pour la fille, qui laisse d’abord la maman anéantie, désabusée, seule, si profondément seule… Avant l’inévitable et nécessaire acceptation.
Mais bien sûr, Les Deux Déesses racontent plus à travers cette relation. C’est la force qui tient cette œuvre, construite par Pauline Sales avec de multiples strates de compréhension, évidentes comme subtiles, concrètes comme métaphoriques. Et parmi ces strates de lecture, il y a la violence masculine. Toute la trame de cette pièce, son point de départ ainsi que les enjeux de ses personnages féminins – notamment ceux de Déméter – se construisent à partir d’un postultat terrible, terrifiant : le viol de Déméter par Zeus, d’un homme sur une femme, d’un frère sur sa sœur. Dans un discours profondément féministe et malheureusement en écho immédiat avec l’actualité, la pièce s’articule autour d’une opposition entre la violence des hommes et la reconstruction des femmes. Cette dualité se retrouve dans la suite de l’histoire que tout le monde connaît : Koré, future Perséphone, est enlevée par son oncle, Hadès, dans une réécriture ici très contemporaine et commune à l’imaginaire collectif avec la fameuse camionnette blanche piégeant un trio de jeunes filles – terreur de toutes mes camarades pendant la période du collège. En inscrivant le mythe dans notre réalité, Pauline Sales représente, de manière tristement juste, des histoires toujours vraies.
Il y a, dans le parcours de Déméter, déesse parmi les humains, tout un pan métaphorique, voire plusieurs – je continue de le découvrir en fouillant par-ci par-là d’autres analyses sur la pièce. Je vous invite à consulter vous aussi l’article des Arts-Chipels, dont le lien est disponible sous cet article. Parmi toutes les interprétations et suggestions de l’autrice, j’en retiens surtout un qui me touche particulièrement dans mon expérience de lectrice : les enjeux climatiques de notre réalité. Dans Les Deux Déesses, ils sont incarnés en une seule entité, la déesse de l’agriculture et de la moisson. Une maman, qui est aussi une SDF, qui est aussi celle qui demande : d’où vient le changement climatique ? Qui est responsable, pourquoi ? Sans nécessairement frapper la réponse, elle nous invite à nous interroger, à nous remettre en question, à remettre en question la violence.
Le texte et ses ramifications sont tissés par une poésie propre à Pauline Sales, commune aussi à beaucoup de textes contemporains. Les chansons m’ont laissé peut-être sceptique, mais il est difficile de les appréhender à la lecture. Je me contente donc des mots qui ont résonné en moi, et il me tarde de découvrir leur mélodie sur scène, quand l’occasion se présentera.
Retrouvez ci-dessous plus d'informations autour de la pièce et son autrice :)
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